Que faire si mon chien souffre d'anxiété de séparation ?
- Marine Favaro
- 22 mars
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 23 mars
« Nous avons adopté Luna dans un refuge quand elle avait environ 10 mois. Depuis très jeune, elle est capable de dormir une journée entière au soleil ! Elle sait où je suis dans la maison et n’a pas besoin de nous suivre partout. Pourtant, quelques jours après son arrivée, quand nous avons voulu la laisser seule, rien n’allait plus ! Des gémissements aux hurlements, elle souillait régulièrement le canapé et détruisait le bas des portes. Rapidement est née l’angoisse de laisser Luna à la maison. Nous avions la chance d’être de jeunes retraités, mais il fallait maintenant manager à plein temps nos sorties. Courses, rendez-vous médicaux ou amicaux étaient devenus des problèmes quotidiens »
L’anxiété de séparation fait partie des problématiques les plus difficiles à gérer au quotidien. Elle impacte la vie sociale et la concentration au travail, les nuisances sonores peuvent aller jusqu’à la plainte et les destructions couteuses sont tout aussi dangereuses pour le chien. Il n’est pas rare d’entendre des histoires où le chien se met en danger pour sortir de cet émotionnel compliqué...
Qu’est-ce que l’anxiété de séparation ?
Définition
Il s’agit d’un état émotionnel anxieux dans lequel le chien se met lorsqu’il est laissé seul. Dans ce cas, le chien présente un ensemble de comportements spécifiques à sa solitude qui ne s’apaise pas le temps ou la répétition de ces moments.
Si le chien s’apaise complètement après seulement quelques minutes de solitude, on parle plutôt de phénomène FOMO de l’anglais « Fear Of Missing Out ». En anxiété de séparation, le chien ne trouve qu’un apaisement ponctuel dans sa solitude.

Une forme particulière de l’anxiété de séparation est l’hyper attachement. C’est lorsque le chien ne peut pas rester seul si son humain d’attachement, représentant une valeur particulière pour lui, n’y est pas présent. Cela sous-entend que la majorité des chiens présentant de l’anxiété de séparation sont apaisés lorsque quelqu’un se trouve dans la pièce. Et certains, en moindre partie, sont apaisés si un autre animal se trouve avec lui.
Manifestations
Les comportements que présentent les chiens en anxiété de séparation sont très nombreux et s’apparentent aux comportements de stress, de peur et de panique… Les études mettent en valeur une récurrence de cette problématique sous ses diverses formes ; 20 à 55 % de la population canine présenterait ce type de comportements lorsqu’ils sont seuls.
Les vocalises sous toutes leurs formes : gémissement, couinements, pleurs, aboiements, hurlements
Les signaux de stress : oreilles en arrière, œil de baleine, léchage de truffe, raideur corporelle, salivation excessive, se figer
Les destructions : autour des ouvertures, en hauteur notamment
Uriner, déféquer
Comportement de maintenance excessif (léchage, grattage) pouvant aller jusqu’à l’automutilation
Un rythme de déambulation accéléré ou répétitif : Pacing, circling, tail chaising, mais aussi charge, saut sur la porte, grattage du sol
Sans rédiger l’éthogramme canin, tout comportement intensif ou excessif lors de leur absence devrait alerter les propriétaires sur les capacités du chien à rester seul.
Causes et origines
Les causes sont polyfactorielles et les études peuvent parfois se contredire. Comme dans beaucoup de problématiques chez le chien, il semble y avoir une influence génétique et un facteur racial. Mais on ne peut pas exclure la surreprésentation de certaines races dans les pays ayant réalisé ses études. Il est donc difficile d’incriminer des races particulières, comme de mettre en évidence une moindre valence chez les chiens croisés ou de refuge. Pareil pour l’impact du sexe ou de la stérilisation.
D’autres facteurs développementaux entre en ligne de compte tel que le bien-être de la mère pendant sa gestation, sa capacité a apporté du soin aux chiots et leur sevrage. On retrouve ses facteurs dans de nombreuses problématiques, et en soit, dans les capacités de gestion émotionnelle en générale.
On parle donc d’une problématique détectable plutôt précocement dans la vie du chien. Si elle peut se révéler l’âge adulte, de nombreux signes étaient déjà visible dans une certaine mesure au stade juvénile. Plus rarement, l’anxiété de séparation peut se déclencher plus tard dans la vie du chien, notamment autours d’un grand changement ayant créé un traumatisme. Que ce soit un déménagement, un changement de propriétaire, mais aussi un incident survenu en l’absence des propriétaires

Ce qui ressort finalement, c’est que bien que difficile à identifier, les causes mises en évidence ne sont pas liées au style de vie des chiens ou a une « erreur d’éducation ». Beaucoup de propriétaires de chien souffrant de problèmes liés à la solitude portent une forme de culpabilité sans pourtant avoir eu d’influence dans la naissance de ce problème.
Ce qui revient régulièrement dans le discours des propriétaires, c’est leur regret de ne pas avoir précocement empêcher leur chien de les suivre. En réalité, certains chiens sans trouble de la solitude suivent leurs humains tandis que d’autres, incapables d’être seuls une seconde, ne leur offrent que peu d’attention lorsqu’ils sont effectivement là. En soit, le fait de suivre l’humain est plus en lien avec la sélection primaire de l’espèce chien, que révélateur d’une problématique.
Seulement dans de rares cas, la nature de la relation impactera le travail de la solitude. Il sera alors à propos de conseiller justement pour améliorer ce facteur. Dans tous les autres cas, il est inutile d’empêcher son chien de vous suivre pour espérer améliorer sa capacité à être seul dans la maison.
Que faire en si mon chien ne vit pas bien la solitude ?
Éviter les préconçus
Si votre chien présente des comportements intenses lorsqu’il est seul, les solutions que vous trouvez sur d’autres sites et que vous avez potentiellement déjà essayées ne fonctionneront pas… tel que :
Sortir plus afin d’épuiser le chien avant de le laisser seul. Des temps de balade raisonnables et cohérents avec son niveau d’activité apaiseront n’importe quel chien. Mais ne suffira pas à faire passer une meilleure journée aux chiens souffrant d’anxiété de séparation. L’épuiser pourrait même avoir un effet délétère et le priver du peu d’aptitude à rester seul qui lui reste.
Lui donner de la nourriture et de la mastication savoureuse avant de le quitter. Dans ce schéma classique, les humains se sont assurés que le chien appréciait la mastication proposée avant de le laisser. Le moment de la gamelle peut lui aussi être décalé à l’instant du départ pour maximiser l’effet d’association. Malheureusement, cela ressemble plus à un « poison cue » pour le chien qui finit par apprendre que sortir les super snacks veut dire qu’il va rester tout seul dans peu de temps. Si généralement ces chiens boudent complètement ce qui leur est proposé en situation de solitude, une partie des goulus l’avalera dans une hâte habituelle avant de se rendre compte de l’absence de ces humains. Il repartira alors dans son anxiété potentiellement plus fort ou plus rapidement.
L’éloigner de vous autant que possible pour lui apprendre à être seul. Vous l’avez compris, cela n’a régulièrement aucun lien avec l’anxiété de séparation ! Dit autrement, suivre l’humain est un avantage sélectif de l’espèce canis familiaris et non un marqueur d’anxiété de séparation ou d’hyper attachement. Organiser des plages horaires où vous laisserez volontairement votre chien seul alors que vous êtes dans la pièce d’à côté ne l’aidera pas particulièrement.

Prévenir plutôt que guérir !
Vous avez pour projet d’adopter un chiot ou un chien adulte ? Vous voulez vous assurer de sa capacité à rester seul et prévenir cette problématique.
Bien qu’il soit rare en élevage, des tests de tempérament peuvent être réalisés et les éleveurs pourraient vous transmettre le travail qu’ils pensent le plus juste à mettre en place pour ce chiot, dans cette portée ! N’hésitez donc pas à demander ce qu’il en pense et ce qu’il a potentiellement déjà mis en place.
Il est toujours préférable d’avoir quelques jours de disponibilité totale lorsque l’on adopte un chien. Cela permet de le mettre en confiance et de le découvrir comme lui permette de vous découvrir. C’est un bon moyen également de tester sa capacité à être seul.
Si ce chien n’a potentiellement jamais été seul, vous pouvez investiguer les solutions classiques pour le mettre en situation de solitude de manière confortable et apaisée. C’est-à-dire, vous exercez quand ses besoins sont remplis : il est sorti pour uriner/déféquer, il a reniflé des odeurs, rencontrées des congénères. Il a passé un peu de temps calme avec vous (éviter de le mettre en état démoniaque avancé avant de lui demander de se calmer), pourquoi pas autour d’un enrichissement. Proposez-lui une mastication, qu’il boudera potentiellement, le temps de comprendre ce que vous faites (et c’est OK !), mais qui ne l’accaparera pas au point de ne plus savoir si vous êtes toujours sur cette planète.
Une fois les conditions réunies, agissez avec progressivité et ne faites pas les trois exercices à la chaîne. Mais plutôt entrecoupés de pauses :
Premier exercice : qu’en pense-t-il si je me dirige vers la porte ? Si je l’ouvre et la ferme sans sortir ?
Deuxième exercice : qu’en pense-t-il si je sors, si je fais trois pas dehors avant de revenir, porte ouverte ?
Troisième exercice : qu’en pense-t-il si je sors et referme la porte derrière moi, je compte seulement quelques secondes avant de revenir ?

Si chaque fois votre chien est détendu et ne fait que s’informer de vos allers venus, c’est très bon signe. En revanche, des vocalises intenses ou des sauts sur la porte devraient vous alerter. Si ces comportements ne sont pas toujours annonciateurs d’une anxiété de séparation, vous faire aider par un professionnel bienveillant pourra être utile afin de s’adapter au profil de votre chien.
Quelles sont les approches favorisantes ?
Comprendre
Votre chien ne fait pas un caprice. Il s’agit d’un mot adapté à l’humain, dans le cas des enfants plus particulièrement. Ce terme fait référence à un état émotionnel où la parole n’est plus accessible à l’enfant. Il transmet alors sa frustration autour de vocalise et de geste de colère notamment. Ce problème se résout à un âge ou la gestion émotionnelle et la verbalisation sont suffisantes. Votre chien exprime ses émotions au travers de vocalise et si vous l’observez bien vous ne verrez pas que de la frustration dans cette problématique, mais également de la peur et du stress. Un chien en anxiété de séparation peut présenter des comportements de frustration (qui ne s’éteindront pas avec la parole !), mais il ne représente pas l’intégralité des comportements proposés lorsqu’il est seul. Un chien en anxiété de séparation est donc plutôt dans un état de peur, de détresse, faisant appel à ses réflexes primaires.
Il ne se venge pas de votre absence. Encore une fois, ce concept est attribué à l’humain. Un chien peut éminemment se souvenir d’une interaction qui lui a déplu par le passé et y s’y ajuster même plus tard dans le temps, mais il n’agit pas d’un agissement « prémédité » ni d’un acte volontairement malveillant. Cela nécessite l’implication de la morale propre à l’espèce humaine. Donc un chien ne se venge pas parce que ce n’est pas un animal conscient d’une morale. Il est par ailleurs incapable d’agir par préméditation, mais par ajustement émotionnel.
Il est donc inutile d’ajouter à ce moment compliqué une sanction supplémentaire. Bien qu’il soit difficile de rentrer chez soi et de constater le désastre, parfois définitif, avec un sourire… je ne peux que vous recommander de saisir sa laisse et de partir en balade pour respirer.
Aider
Il pourrait être intéressant d’identifier exactement la structure de la problématique de votre chien en vous équipant d’une caméra. Cela permettrait de comprendre plus facilement le profil avant de se faire aider. Quand présente-t-il les comportements problématiques ? Sous quelles formes ?
Suspendre les absences, le faire garder, pourrait également vous aider à travailler sur votre problématique et ne plus l’enfoncer dans son problème. Cette solution est parfois moins évidente à mettre en place. Elle n’en reste pas moins d’un grand secours pour remettre en place les absences.

Soutenir
Dans un certain nombre de cas, une médication pourra aider le chien à progresser dans son apprentissage de la solitude. Il sera préférable de se tourner vers un vétérinaire comportementaliste ou un vétérinaire sensibiliser au problème lié à la solitude pour choisir une molécule favorisant la détente et l’apprentissage.
Il est plus sain pour un chien d’obtenir un soutien ponctuel dans sa vie que de lutter durant des années. Si cela ne devait pas concerner tous les chiens, certains ont besoin de cette béquille supplémentaire.
Désensibiliser
D’expérience, il s’agit de la seule approche permettant de faire évoluer un chien en anxiété de séparation. Il s’agit de l’exposer graduellement à son stimulus aversif pour qu’il le tolère.
Des connaissances préalables sur la communication canine et les éléments aidant, particuliers à chaque chien, sont essentiel pour progresser de manière pérenne comme de gérer les régressions. Etre accompagné par un professionnel formé est donc essentiel pour vous apporter les bases et vous faire progresser dans les meilleurs conditions.
Conclusion
S'il est difficile d'identifier les causes de l'anxiété de séparation, il est possible de le travailler avec respect et bienveillance. Les émotions des chiens souffrants de cette problématique sont réelles et ne révèle ni la dominance, ni un caprice, ni une erreur d'éducation. Il est intéressant d'identifier le plus précocement ce trouble pour y apporter des solutions...
Pour aller plus loin...
" Review of epidemiological, pathological, genetic, and epigenetic factors that may contribute to the development of separation anxiety in dogs ", Tia Meneses, Jessica Robinson, Jessica Rose, Jennifer Vernick, and Karen L. Overall 2021
" Development of and pharmacologicaltreatment options and future research opportunities for separation anxiety in dogs " by Tia Meneses, Jessica Robinson, Jessica Rose, Jennifer Vernick, and Karen L. Overall 2021
"Prevalence, comorbidity, and breed differences in canine anxiety in 13,700 Finnish pet dogs", Milla Salonen, Sini Sulkama, Salla Mikkola, Jenni Puurunen, Emma Hakanen, Katriina Tiira, César Araujo & Hannes Lohi, Scientific Reports volume 10, Article number: 2962, 2020
"Separation Anxiety in Dogs: What Progress Has Been Made in Our Understanding ofthe Most Common Behavioral Problems in Dogs?" by Niwako Ogata 2016
"Canine separation anxiety: Strategies for treatment and management" by Rebecca Sargisson, 2014.